PARMI les tâches qui simposent au Gouvernement, il nen est pas de plus importante que la réforme de léducation nationale.
Il y avait à la base de notre système éducatif une illusion profonde : cétait de croire quil suffit dinstruire les esprits pour former les cSurs et pour tremper les caractères.
Il ny a rien de plus faux et de plus dangereux que cette idée.
Le cSur humain ne va pas naturellement à la bonté ; la volonté humaine ne va pas naturellement à la fermeté, à la constance, au courage. Ils ont besoin, pour y atteindre et pour sy fixer, dune vigoureuse et opiniâtre discipline.
Vous le savez bien, parents qui me lisez : un enfant bien élevé ne sobtient pas sans un usage vigilant, à la fois inflexible et tendre, de lautorité familiale.
La discipline de lécole doit épauler la discipline de la famille.
Ainsi, et ainsi seulement, se forment les hommes et les peuples les plus forts.
Une autre grave erreur de notre enseignement public, cest quil était une école dindividualisme. Je veux dire quil considérait lindividu comme la seule réalité authentique et en quelque sorte absolue.
La vérité, cest que lindividu nexiste que par la famille, la société, la patrie dont il reçoit, avec la vie, tous les moyens de vivre.
Il est aisé de le constater dailleurs. Les époques où lindividualisme a fait loi sont celles qui comptent le moins dindividualités véritables. Nous venons den faire la cruelle expérience.
Cétait une grande pitié de voir, jusquà la veille de la guerre, nos journaux et nos revues tout pleins déloges de lindividualisme français, qui est exactement ce dont nous avons failli mourir.
Lindividualisme na rien de commun avec le respect de la personne humaine sous les apparences duquel il a essayé parfois de se camoufler.
LÉcole française de demain enseignera avec le respect de la personne humaine, la famille, la société, la patrie. Elle ne prétendra plus à la neutralité. La vie nest pas neutre ; elle consiste à prendre parti hardiment. Il ny a pas de neutralité possible entre le vrai et le faux, entre le bien et le mal, entre la santé et la maladie, entre lordre et le désordre, entre la France et lanti-France.
LÉcole française sera nationale avant tout, parce que les Français nont pas de plus haut intérêt commun que celui de la France. Toute maison divisée contre elle-même périra, dit lÉvangile. Nous entendons rebâtir la Maison France sur le roc inébranlable de lunité française.
Dans cette France rénovée, toute la riche diversité des vocations françaises trouvera sa place et les conditions de son épanouissement.
Nous maintiendrons, nous élargirons sil se peut, une tradition de haute culture qui fait corps avec lidée même de notre patrie. La langue française a une universalité attachée à son génie. Ce nest pas sans raison que nous nous sommes plu à donner au suprême couronnement de nos études le beau nom dHumanités.
SSur cadette des Humanités, mais non moins riche de réalisations et de promesses, la Science libre et désintéressée occupera une place éminente dans la France nouvelle. Fidèles à notre pensée décentralisatrice, nous décongestionnerons lUniversité de Paris pour faire de nos Universités provinciales autant de puissants foyers de recherche, dont certains pourront être spécialisés. Et nous nhésiterons pas à y appeler comme animateurs, aux côtés de la hiérarchie universitaire, les chercheurs originaux qui auront fait leurs preuves dans telle ou telle branche de la découverte.
Nous favoriserons, entre nos savants et nos industriels, une coopération féconde et, sans abaisser le niveau de notre enseignement supérieur, nous nous efforcerons dorienter dans un sens plus réaliste, la formation de nos ingénieurs, de nos médecins, de nos magistrats, de nos professeurs eux-mêmes.
Nous nous attacherons à détruire le funeste prestige dune pseudo-culture purement livresque, conseillère de paresse et génératrice dinutilités.
Le travail est le partage de lhomme sur la terre, il lui est imposé par une nécessité inéluctable ; mais tout leffort des civilisations antiques avait tendu à affranchir de cette nécessité une race de maîtres, et à la transférer à une race desclaves. Il était réservé au Christianisme dinstaurer le respect du travail et des travailleurs. Puisque les moins croyants dentre nous se plaisent aujourdhui à se réclamer de la civilisation chrétienne, quils nous aident à rétablir dans notre peuple le sens, lamour, lhonneur du travail.
Cest dans cet esprit que nous réorganiserons lécole primaire.
Elle continuera comme par le passé, cela va sans dire, à enseigner le français, les éléments des mathématiques, de lhistoire, de la géographie, mais selon des programmes simplifiés, dépouillés du caractère encyclopédique et théorique qui les détournait de leur objet véritable.
Par contre, une place beaucoup plus large y sera faite aux travaux manuels dont la valeur éducative est trop souvent méconnue.
Il faudra que les maîtres de notre enseignement primaire se pénètrent de cette idée, et sachent en pénétrer leurs élèves, quil nest pas moins noble et pas moins profitable, même pour lesprit, de manier loutil que de tenir la plume, et de connaître à fond un métier, que davoir sur toutes choses des clartés superficielles.
De cette idée bien comprise et sérieusement appliquée, découleront dimportantes et bienfaisantes conséquences.
Désormais, les meilleurs éléments de chaque classe ne seront plus prélevés, déracinés, orientés vers ce quon a appelé le nomadisme administratif.
Les élites ne seront plus appelées et comme aspirées automatiquement par les villes.
Chaque profession, chaque métier aura son élite, et nous encouragerons de tout notre pouvoir la formation de ces élites sur les plans local et régional.
Les perspectives de la situation présente comportent un arrêt, sinon même un recul dans la voie de lindustrialisation à outrance où la France sefforçait de rivaliser avec dautres nations mieux partagées quelle, quant à labondance de la population ou la richesse des matières premières.
Nous serons ainsi amenés, dune part, à restaurer la tradition de lartisanat, où triompha pendant tant de siècles la qualité française ; dautre part, à réenraciner, autant que faire se pourra, lhomme français dans la terre de France, où il puisa toujours, en même temps que sa substance et celle de ses concitoyens des villes, les solides vertus qui ont fait la force et la durée de la Patrie.
Nous ne devons jamais perdre de vue que le but de léducation est de faire, de tous les Français, des hommes ayant le goût du travail et lamour de leffort.
Leur idéal ne doit plus être la sécurité dun fonctionnarisme irresponsable, mais linitiative du chef, la passion de lSuvre et de sa qualité.
Restituer dans toute leur plénitude ces vertus dhomme, cest limmense problème qui se pose à nous. La formation dune jeunesse sportive répond à une partie de ce problème. Les projets actuels du ministre de la Jeunesse visent à rendre à la race française, santé, courage, discipline. Mais le sport pratiqué exclusivement ou avec excès, pourrait conduire à un certain appauvrissement humain. La restauration de lesprit artisanal fournira à laction bienfaisante du sport un contrepoids et un complément nécessaires.
Lartisan, sattaquant à la matière, en fait une Suvre ; la création dune Suvre artisanale demande un effort physique, de lintelligence et du cSur ; elle exige de lhomme, lesprit de décision et le sens de la responsabilité. Elle aboutit à la naissance du chef-dSuvre par où lartisan se hausse à la dignité dartiste. Mais si haut quil monte, lartisan ne se détache jamais ni des traditions de son métier, ni de celles de son terroir.
Nous laiderons à en recueillir les influences vivifiantes, notamment en donnant à lenseignement de la géographie et de lhistoire un tour concret, un caractère local et régional qui ajoutera les clartés de la connaissance à lamour du pays.
Lécole primaire ainsi conçue, avec son complément artisanal, substituera à lidéal encyclopédique de lhomme abstrait, conçu par des citadins et pour des citadins, lidéal beaucoup plus large, beaucoup plus humain de lhomme appuyé sur un sol et sur un métier déterminés.
Elle donnera aux paysans un sentiment nouveau de leur dignité. Nous y aiderons dabord en leur attribuant la place qui leur revient dans la communauté national, et ensuite, en dotant le moindre village des installations modernes deau, délectricité, dhygiène, qui ont été jusquici le privilège des villes, et qui permettront aux paysans dadoucir et dembellir leurs rudes conditions de vie. Car la vie rurale nest pas une idylle, et le métier de paysan est un dur métier qui exige toujours de lendurance, souvent du courage, parfois de lhéroïsme. Mais de cela le paysan de France saccommodera, pourvu quil sente cette fois quon lui rend justice. Le paysan de France a été assez longtemps à la peine, quil soit aujourdhui à lhonneur.
Mes chers amis, on vous a parlé souvent, depuis quelques années, de lÉcole Unique.
LÉcole Unique, cétait un mensonge parmi beaucoup dautres ; cétait, sous couleur dunité, une école de division, de lutte sociale, de destruction nationale.
Nous, qui avons horreur du mensonge, qui voulons en toute circonstance vous dire la vérité, nous entreprenons de faire pour vous, pour la France, la véritable École Unique ; celle qui, quels quen soient les maîtres, quels quen soient les programmes, sera animée dun esprit unique ; celle qui mettra tous les Français à leur place, au service de la France ; celle qui, leur accordant toutes les libertés compatibles avec lautorité nécessaire, leur concédant toutes les égalités compatibles avec une hiérarchie indispensable, les mêlant tous dans un grand élan chaleureux de la fraternité nationale, fera de tous les Français les servants dune même foi, les chevaliers dun même idéal, symbolisé dans ce mot unique : France.
(Extrait de la Revue des Deux Mondes)