LES QUESTIONS SOCIALES
4 JUIN 1941
MESSIEURS,
Je suis heureux de vous souhaiter la bienvenue.
Représentants choisis parmi les patrons, les techniciens, les ouvriers, les employés de l'industrie, du commerce et de l'artisanat, je vous ai réunis pour que vous étudiiez et me proposiez les éléments d'un statut d'organisation du travail.
L'oeuvre que vous allez entreprendre est l'une des plus importantes pour le relèvement de la France. L'organisation de la profession doit être, en effet, avec celle des communes et des provinces, l'un des fondements de l'État. Elle parachèvera et consacrera la Révolution Nationale.
Mes idées sociales vous sont connues. Elles viennent du vieux fonds français où l'amour de la justice est toujours exigeant, mais fut toujours guidé par le sens de la mesure et par l'instinct de la durée. Vous aurez à les traduire en articles de règlement général, laissant à la profession organisée le soin d'édicter et d'adapter les règles particulières à chaque métier.
Vous allez confronter et discriminer les résultats des expériences que le monde français du travail a faites depuis 50 ans. Vous devrez les juger à la lumière des malheurs de la Patrie. Vous rejetterez ce qui est mauvais ; vous retiendrez ce qui est utilisable pour l'établissement de l'ordre social nouveau.
Il s'agit de mettre fin à cet esprit revendicatif qui, passant du social au politique et réciproquement, nous a perdus parce qu'il nous a dissociés et décomposés. Les moeurs et les pratiques, qui sévissaient dans les rapports du capital et du travail, procédaient des moeurs et des stratagèmes du régime des partis qui étaient autant de syndicats politiques.
Il s'agit, comme je l'ai déjà dit, d'abandonner la pratique des coalitions dressées les unes contre les autres, par conséquent de reviser ou de supprimer les rouages ou les organes qui y conduisent inéluctablement et de créer, au contraire, des organes propres à engendrer la collaboration.
Les coalitions ouvrières et patronales étaient la résultante et la preuve chaque jour plus caractérisée d'un État faible, incapable, par essence ou calcul de clientèle électorale, d'établir des rapports de justice entre l'employeur et l'employé, ou impuissant à faire respecter les conventions intervenues.
C'est pourquoi le monde du travail avait, lui aussi, ses avocats et même ses diplomates.
Un État fort, tirant son autorité de ses principes, de sa volonté, de sa capacité d'assurer la justice dans le droit social, comme dans le droit civil, rend désormais inutiles ces formations de combat qui usurpaient les fonctions justicières de l'État faible.
L'organisation professionnelle que vous allez élaborer ne peut donc rien retenir de ce qui engendrait la lutte des classes ou de ce qui en procédait.
Vous écarterez tout ce qui est de nature à y ramener, car la lutte des classes est le prélude de la guerre civile, à échéance plus ou moins éloignée.
Vos travaux devront s'inspirer des principes énoncés dans mes derniers discours, en particulier à l'occasion de la Fête du Travail.
Ils devront s'accorder avec le plan d'ensemble en voie de réalisation.
Déjà, une commission du Conseil National vous a précédés dans cette salle, pour étudier l'organisation des provinces ; d'autres commissions viendront après vous, pour me donner leur avis sur la revision de la loi municipale, pour jeter les bases de la Constitution, pour travailler, en d'autres domaines, à la reconstruction de l'État.
Cet État sera hiérarchique et autoritaire, fondé sur la responsabilité et le commandement, s'exerçant de haut en bas, à tous les échelons de la hiérarchie, s'appliquant à des objets concrets et à des intérêts précis, s'inspirant des principes sociaux, politiques et spirituels qui ont fait la cohésion et la grandeur de la nation française.
Votre Comité prend donc place, naturellement, parmi les équipes dont je sollicite l'expérience et les conseils, pour m'aider à redonner à la France l'armature et l'architecture qui lui permettront de traverser l'épreuve et de retrouver sa foi ardente dans l'avenir.
J'ai la conviction que vous me proposerez une oeuvre sage et hardie, construite avec des réalités françaises, et de nature à rallier tous les ouvriers, techniciens, artisans et patrons qui ont compris les causes de la défaite et qui en redoutent les conséquences.
Pour mener à bien votre étude, ayez présente à l'esprit la riche diversité des entreprises françaises.
Sans doute, celles qui, dans l'industrie et le commerce, détiennent la prépondérance du nombre, ont tenté une expérience d'organisation professionnelle, parce qu'elles en sentaient plus vivement et plus légitimement le besoin. Mais la petite et la moyenne industrie, le petit et moyen commerce et l'artisanat, sous leurs multiples aspects, comprennent l'immense majorité des travailleurs épars qui, intégrés dans la profession organisée, seront un facteur incomparable d'équilibre économique et national.
Patrons, artisans, techniciens, employés, ouvriers, oubliez vos origines ; oubliez vos divisions du passé.
Donnez un grand exemple de collaboration. Unissez vos coeurs, vos intelligences et vos efforts pour étudier une organisation professionnelle digne de la France nouvelle.