C'est aujourd'hui votre première assemblée de l'année.
Je salue les membres de votre directoire et de vos comités, vos chefs régionaux, vos chefs départementaux et cette cohorte imposante et neuve de votre conseil national, où s'unissent les anciens combattants de la grande guerre, ceux de la dernière, et ces jeunes volontaires de la Révolution Nationale, ralliés à votre idéal, agrégés à votre mouvement.
Jamais la Légion n'a donné le spectacle d'une aussi large élite, d'une aussi profonde unité parmi les familles spirituelles de la France.
Jamais l'occasion ne s'est mieux offerte à moi de vous dire, en présence des représentants du Gouvernement, ce que j'attends de vous, pour le bien du Pays.
A mon appel, vous vous êtes levés, en septembre 1940, pour offrir au redressement de la France la caution et l'appui des générations du Feu.
D'une Nation divisée par ses querelles, dissociée par sa défaite, vous représentiez l'élément le plus sain, le plus sûr, le mieux trempé par l'épreuve.
Vous avez, dans votre ardent désir de servir, multiplié les efforts de recrutement, d'organisation, de propagande.
Vous lavez fait avec enthousiasme, avec abnégation. Vous n'avez épargné ni votre temps, ni votre peine pour transformer la physionomie morale de ce pays, pour y faire admettre la primauté de l'esprit de sacrifice fur l'esprit de jouissance, de la fécondité de la famille sur la stérilité des foyers, de l'apostolat social sur l'égoïsme bourgeois.
Aussi bien le bilan de votre action est-il, dans ce domaine, largement positif.
Entr'aide aux familles des anciens combattants, vos camarades des deux guerres, assistance aux prisonniers, aux réfugiés, aux chômeurs, participation effective aux oeuvres de la Croix-Rouge et du Secours National, on peut dire que sur le terrain de l'action morale et de l'action sociale vous avez pleinement réussi.
Mais la prodigieuse croissance de votre mouvement et l'inexpérience naturelle de vos premiers cadres devaient, sur d'autres terrains, vous exposer à subir certaines incompréhensions, parfois même certaines hostilités.
C'est ainsi que les hommes que vous étiez se - sont heurtés à d'autres hommes, moins dégagés que vous de l'esprit du passé, moins imprégnés des nécessités de l'intérêt général, soucieux cependant de l'avenir de la France et que la rigidité de vos attitudes, la hâte de vos déterminations, l'ampleur de vos exigences n'ont pas manqué de troubler et d'inquiéter.
La France est un vieux pays politique, où l'esprit critique, fils de l'individualisme, a multiplié jadis les clans et les partis.
Les Français s'inclinent en général devant les nécessités d'une révolution, mais ils restent volontiers attachés à leurs privilèges. Ils n'acceptent que rarement de changer de maîtres et exigent de leurs nouveaux chefs, à défaut d'une autorité ou d'une valeur personnelle évidentes, beaucoup d'adresse, de souplesse, de force de persuasion.
Si j'ajoute qu'en dehors de ces traits permanents du tempérament français se manifestait à l'égard de la Légion l'indifférence ou l'hostilité voilée d'une administration dont tous les cadres n'ont point désarmé et dont les réactions vous ont souvent découragés, vous ne vous étonnerez pas qu'une certaine confusion se soit introduite dans l'esprit publie au sujet de votre véritable rôle et que cette confusion ait porté préjudice aux intérêts essentiels de la concorde française.
Comme gardien responsable de l'union des Français, j'ai le devoir de mettre un terme à cette confusion.
Ainsi suis-je amené à définir ce que doit être votre action civique.
L'action civique est, par définition, celle du citoyen.
Le citoyen n'est plus, aujourd'hui, cet être abstrait qu'avaient inventé certains philosophes d'autrefois et dont les droits
s'inscrivaient en une préface, à la fois naïve et présomptueuse, aux diverses constitutions.
Le citoyen français de 1942 a beaucoup plus de devoirs que de droits. Il ne possède même de droits véritables que dans la mesure nécessaire à l'accomplissement de ses devoirs essentiels. Ces devoirs sont ceux que lui impose la triple communauté familiale, professionnelle et nationale, auxquels le légionnaire ne peut se soustraire, s'il veut se classer parmi les bons citoyens.
Légionnaires, vous devez donc, par l'exemple de votre fidélité totale et de votre discipline absolue, garantir l'unité de la Nation et son obéissance au Chef, pendant les années d'épreuves qui nous attendent.
Vous devez, bannissant de vos réunions ,toute discussion partisane, me donner l'assurance qu'en toutes circonstances je saurai trouver auprès de vous l'appui le plus complet.
Ce n'est qu'à cette condition que la Légion deviendra le soutien véritable du Gouvernement et le guide qui tracera à l'ensemble de la Nation la meilleure voie pour atteindre la Révolution Nationale.
Là Légion ne peut être un État dans l'État. Mais elle - doit apparaître, dans un ordre nouveau qui s'élabore, comme une institution qui s'affirme, par l'appui qu'elle prête au régime, par l'indispensable complément d'action qu'elle assure au Gouvernement.
Elle doit, dans un esprit de large tolérance, susciter des hommes de qualité, des hommes désintéressés, surtout parmi ces jeunes, ces ouvriers, que l'aile de la guerre a moins frôlés que d'autres, mais qui se sentent le même désir de servir.
Que les nouveaux venus parmi vous s'inspirent de la confiance et de la foi dont ont fait preuve leurs aînés, qu'ils rivalisent du même souci de construire, dans le cadre d'un État plus fort, une France plus pure.
Pour vous permettre d'atteindre ces buts, il vous faut à la fois fortifier votre doctrine et améliorer vos liaisons avec les pouvoirs publics.
Votre doctrine est celle que par mes messages j'ai donnée au peuple français. Elle a déjà pénétré profondément au-dedans de vous-mêmes, transformé vos façons de penser et d'agir. Mes mandataires et vos chefs, au cours de vos réunions qu'ils ont présidées en mon nom, vous en ont déjà commenté les lignes essentielles. Ils viennent aujourd'hui d'en établir une synthèse précise, vivante, susceptible de s'enrichir et de se traduire, sur tous les plans, en directives claires, en consignes appropriées.
Imprégnez-vous de ces consignes. Que vos groupements territoriaux, vos sections d'entreprises, vos instituts, vos cercles d'études, en facilitent la diffusion au sein de la masse légionnaire, pour l'amener à se transformer en une véritable élite légionnaire.
Mais, à côté des règles générales de la doctrine, il est des thèmes plus particuliers de propagande ou d'action, dont il faudra que vous assuriez, le moment venu, l'authentique et fidèle transmission.
Ce problème pose celui de vos liaisons avec le Gouvernement.
Vous avez vécu, jusqu'ici, trop en marge des pouvoirs publics. Je tiens à vous associer davantage à leur action, à la fois pour vous manifester ma confiance et vous épargner des erreurs d'orientation.
Votre directeur général disposera dorénavant d'une audience plus large dans les conseils. Chacun des Secrétaires d'État désignera, parmi les fonctionnaires de son département, un homme de confiance chargé de se tenir en étroit contact avec votre directoire.
Les légionnaires d'élite seront appelés en plus grand nombre dans les conseils consultatifs de l'État et dans divers organes administratifs où paraîtra nécessaire une représentation des intérêts généraux du Pays.
A l'échelon régional, départemental et communal, des instructions ministérielles détermineront la part qu'il conviendra d'attribuer, dans la délibération comme dans l'action, aux représentants qualifiés de la Légion.
Ainsi se trouvera confirmée et développée la collaboration confiante, qui s'est déjà manifestée en maints endroits, notamment en de nombreuses préfectures, entre les chefs de la Légion et les représentants responsables du pouvoir central.
Légionnaires, je crois avoir suffisamment précisé ce que doit être votre rôle.
Serviteurs passionnés du bien publie, dans l'obéissance aveugle au Chef ou à son représentant, interprètes fidèles de sa pensée, propagandistes ardents de la Révolution Nationale, vous assumerez, à partir d'aujourd'hui, des responsabilités plus étendues.
Vous bénéficierez, en revanche,, dans des limites précises, d'égards particuliers.
Ainsi se trouveront conciliées les possibilités d'organisation du grand mouvement que j'ai fondé, et dont je conserve la présidence, avec les exigences permanentes d'un État dont l'autorité ne peut souffrir aucune délégation.
Vous n'êtes pas le Pouvoir, mais vous devez en constituer la garde vigilante et permanente.
Votre action doit s'inspirer des réalités du présent et des nécessités de l'avenir français.
Elle doit permettre, dans le respect de la personne humaine, la restauration des énergies françaises. Elle doit permettre à, notre Pays de remplir, le moment venu, sa tâche civilisatrice, dans une Europe réconciliée.
Méditez ces paroles. Découvrez-y de nouvelles raisons d'agir.
Pour moi, je n'ai cessé de vous garder ma confiance. Je suis sûr que vous continuerez à la mériter.
(Ce message a été lu par M. le Maréchal Pétain à la première séance du Conseil National de la Légion.)