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MESSAGE

AUX TRAVAILLEURS

le 2 MAI 1943

 

TRAVAILLEURS, MES AMIS

Après trente mois de tentatives, d'épreuves et de déceptions, nombre d'entre vous ont pu perdre courage. L'injustice persistante vous heurte de plus en plus, vous ressentez plus vivement que jamais la misère de votre état. Tandis que chaque jour s'accroît votre contribution au sacrifice que la défaite et la guerre imposent à la Nation, vous supportez dans votre vie matérielle les restrictions les plus dures. Et vous ne voyez pas sur les ruines de vos anciennes illusions cette cité d'ordre et de justice que j'avais offerte à votre espérance renaissante.

Travailleurs, je comprends votre amertume : comprenez mes difficultés. Depuis rois ans, nous payons, vous et moi, les fautes de ceux qui nous ont précédés et de ceux qui nous ont menti. L'armistice a mis fin au combat, il n'a pas supprimé la défaite, il n'a pas terminé la guerre qui déchire le monde et qui pèse sur nous. Forcés de pourvoir à des tâches nouvelles et pressantes, avons-nous le temps, les moyens, la liberté de bâtir ?

Mais l'Histoire reconnaîtra que nous avons fait tout ce qui était possible pour protéger les ouvriers contre la misère présente et pour répartir l'inévitable épreuve selon la justice.

C'est la nécessité internationale qui a empêché jusqu'ici l'augmentation des salaires recherchée par le Gouvernement. Mais c'est le Gouvernement qui, par la taxation et le contrôle, lutte contre la hausse des prix des denrées.

Les patrons doivent comprendre la nécessité de tout faire pour aider les cadres et les ouvriers. Nombre d'entre eux l'ont déjà fait. C'est le devoir de tous.

C'est l'immoralité générale qui fait que le marché noir, mais c'est le Gouvernement fidèle aux principes du nouveau régime, qui donne par la loi, aux travailleurs manuels, dans le rationnement nécessaire, plus de droits qu'au reste de la Nation.

Si le marché noir enrichit les profiteurs, si la fraude rétablit subrepticement le privilège de l'argent c'est contre la volonté du Gouvernement, contre les principes du nouveau régime. Cette fraude qui corrompt tout, cette fraude des petits et des grands, ressortit au triste héritage de l'ancienne faiblesse et des mauvaises moeurs qui nous ont perdus. Le Gouvernement la pourchasse et la punit. Vous n'ignorez pas qu'elle trouve partout des complices.

La Charte du Travail s'applique, il est vrai, avec lenteur et se heurte, sinon à des oppositions ouvertes, du moins à des manoeuvres dilatoires. Il n'en peut pas être autrement car la Charte est révolutionnaire. Comment substituerà la lutte des classes, la communauté du travail, sans rencontre la résistance des intérêts, des habitudes et la violence des impatients ? Comment substituer au désordre la profession organisée sans irriter le libéralisme et l'individualisme ? Faut-il enfin vous rappeler que nous travaillons en période exceptionnelle dans un pays vaincu, occupé, uni n'est plus dans la guerre, mais qui demeure sous la guerre.

Plutôt que de désespérer ou de prêter l'oreille aux pêcheurs de tumulte, étudiez votre Charte, tournez-la et retournez-la dans votre esprit comme vous feriez d'un outil nouveau dans vos mains. Vous comprendrez alors tout ce qu'elle vous apporte : l'arbitrage pacifique pour régler vos conflits, la garantie légale de vos contrats, le moyen d'accéder par degrés à la propriétéde votre métier et à celle d'un bien commun. En un mot, la sécurité et la justice dans la paix.

Je mesure quelles ont pu être, pendant un temps, les incertitudes et même les appréhensions des ouvriers.

Le 16 août 1940, il a fallu publier sans délai et sans contre-partie sociale la loi qui instituait les comités provisoires d'organisation donnant aux patrons les moyens d'agir et de s'exprimer. Vous, vous avez attendu votre Charte plus d'une année : mais la Charte n'est pas une création provisoire et l'on ne devait pas l'improviser.

Aussi bien n'ai-je pas cessé d'encourager l'institution des comités sociaux d'entreprise où doivent régner l'esprit de coopération et le sentiment de la solidarité professionnelle, base morale de l'ordre nouveau. Partout où ces comités fonctionnent normalement, partout où, comme je l'ai prescrit, la pratique de l'élection assure à l'ouvrier démontre que la Charte n'est pas une construction théorique mais une bienfaisante et vivante réalité.

Toutefois, la Charte ordonne davantage. L'organisation corporative qui est son but final étant une oeuvre de longue haleine, elle transforme en syndicat unique des syndicats anciens qui représentent un mode d'association auquel patrons, ouvriers, techniciens restent attachés. Elle accorde aux organismes corporatifs quelle institue non seulement une fonction sociale, mais une fonction économique.

Ainsi permettra-t-elle de résoudre pacifiquement les trois problèmes - le problème moral des relations entre producteurs, le problème social de la répartition des produits, le problème économique de la production - que le capitalisme a laissés sans solution et auxquels le communisme propose une solution illusoire et inhumaine.

En ce 1er mai, le sentiment de l'épreuve domine en nous la conscience du redressement accompli. Sachez que ce redressement a commencé et que vous êtes sur la bonne route. Sachez aussi que la structure de la France ne sera pas renouvelée sans l'adhésion de votre coeur et de votre esprit, sans votre concours patient et tenace.

Je vous ai donné un outil pour la bonne lutte qu'il faudra mener sans haine. La lutte est légitime, la haine est inféconde et destructive. Les révolutions qu'anime la haine n'ont jamais profité aux peuples. Elles détruisent le bien commun et meurtrissent les innocents comme ces avions qui, sous prétexte d'atteindre l'arsenal, écrasent l'école.

Un temps viendra où le travail que je vous ai tracé s'accomplira plus facilement dans un monde délivré de la guerre.

Si vous demeurez ferme sur cette voie, si vous écartez le prestige des doctrines de désordre et de mort qui tente de vous séduire sous un masque nouveau, vous mériterez et vous obtiendrez dans une France reconstruite avec amour , que le 1er mai n'exprime plus la plainte des prolétaires, mais le triomphe du travail dans l'ordre, la joie et la liberté.

(Message prononcé à la Mairie de Vichy).

 

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