Allocution

du 26 mai 1944

Nancéens,

Tout à l'heure, entre autres choses, vous m'avez appelé. Eh bien le Maréchal, le voici.

Ne croyez pas que ce soit facile de venir jusqu'à vous. J'ai eu bien des pourparlers avant d'arriver jusqu'ici. Ça a été assez difficile, mais enfin j'ai réussi à m échapper et à venir jusqu'à vous.

Mais pourquoi suis-je venu ici ?

Eh bien, il y a très longtemps, ça fait très longtemps que j'avais envie de vous voir.

je suis allé dans quelques villes importantes, mais mon coeur me disait que je n'avais pas vu toutes celles qui me tenaient le plus à coeur.

Et pourquoi Nancy ?

Eh bien, sans que vous vous en doutiez peut-être, je suis venu jeune déjà, visiter Nancy -, J'y ai passé des examens même, à Nancy. Ainsi, avant d'entrer à Saint-Cyr, je me suis présenté au jury qui siégeait ici. J'avais dix-neuf ans. D'ailleurs J'ai été reçu, et c'est un double remerciement que je dois à Nancy, n'est-ce pas, de m'avoir permis de me réjouir d'un premier succès. Mon premier succès, c'est à Nancy que je l'ai obtenu. J'ai pensé que c'était de bon augure et, toutes les fois que J'en ai eu l'occasion, je suis venu ici. J'y suis venu avant la guerre, j'y suis venu pendant la guerre, J'y suis venu après la guerre, et toutes les fois...

- Vous voyez que tout le monde s'intéresse à vous!

Mais, soyez tranquilles, tant que le serai là, vous n'aurez pas de mésaventures. je ne dis pas au-delà qu'ils me l'ont promis, parce que je ne suis pas rentré en contact avec eux. Soyez sans inquiétude.

je voulais vous dire aussi que tout n'est pas rose dans mon métier. Vous le devinez sûrement. je rencontre des contradicteurs et des ennuis, mais quand le pense à la manière dont les populations me reçoivent, je reprends complètement confiance. Et alors... et à la suite de ma visite ici, je deviendrai inébranlable dans mes devoirs.

Ne me faites pas dire que j'empêcherai la foudre de tomber sur vous. J'entends par la foudre, n'est-ce pas, le genre de promenades que font, de temps en temps, au-dessus de nos têtes, n'est-ce pas, un de ces aviateurs qui vient de passer chez vous. Mais ce n'est pas celui-là. Celui-là n'a pas de mauvais desseins: il me semble l'avoir reconnu.

Eh bien... y en a qui ont de mauvais desseins. N'est-ce pas, vous savez très bien qu'ils prétendent attaquer la France! Il se déroulerait donc une grande bataille, entre deux partis opposés, sur le sol de France. Vous pensez bien que cette pensée,

de l'idée qu'on pouvait venir se battre sur le sol de France me fait frémir un peu d'épouvante, parce que là je n'ai pas mon mot à dire; nous sommes obligés d'accepter que... deux adversaires se battent sur notre sol.

Vous voyez dans quel état peut être le pays. Eh bien, je peux vous dire qu'il ne faut pas vous préoccuper ni vous mêler... aucun Français ne doit se mêler à ce conflit. Il faut rester bien tranquille, regarder les gens se battre et ne pas se mettre dans un parti ou dans un autre parce que vous subiriez des représailles épouvantables. Par conséquent, il s'agit d'être sage.