LES CHANTIERS DE LA JEUNESSE

1940-1944
BASE D' UNE GRANDE
POLITIQUE DE LA JEUNESSE

"La France libérée peut changer les mots et les vocables mais elle ne pourra construire utilement que sur les bases que j'ai jetées".

(Maréchal Pétain - 23 Juillet 1945)

En cette tragique fin Juin 1940 l'été est magnifique, mais la France est à terre ! Ecrasée par la défaite, elle vit une tragédie nationale. Démoralisés et comme abandonnés, les Français sont plongés dans la détresse. Le désastre est immense : le désordre est partout, la plupart des trains ne roulent plus, les routes sont embouteillées, les stocks de carburants épuisés ; plusieurs millions de réfugiés, installés dans les conditions précaires, ne peuvent regagner leurs foyers ; le ravitaillement devient difficile, le rationnement de certains produits s'impose ; près de deux millions de soldats sont prisonniers, les bras manquent pour effectuer les travaux des champs, l'économie est paralysée, les deux tiers du territoire sont occupés ; la ligne de démarcation coupe la France en deux. S'ajoutent d'innombrables drames particuliers : cent mille familles sont en deuil d'un des leurs tué dans les combats.

Venant de Bordeaux, Via Clermont-Ferrand, le gouvernement du Maréchal PETAIN se regroupe péniblement à Vichy.

Cependant la population accueille avec un immense soulagement l'armistice qui vient d'être signé et accorde d'un élan presque unanime sa confiance au Maréchal considéré comme le sauveur de la Patrie.

C'est dans cette situation de grande confusion que le gouvernement du Maréchal doit résoudre - dans la "presque totale improvisation - les très nombreux problèmes qui se posent d'urgence. L'un d'entre eux, qui ne peut souffrir le moindre retard concerne le sort des quatre vingt dix mille jeunes incorporés fin Mai et début Juin 40, qui n'ont reçu aucune instruction militaire et qu'en application de la Convention d'Armistice il est obligatoire de démobiliser immédiatement.

En 'effet, un très grand nombre d'appelés, qui ont trouvé les dépôts des régiments fermés, errent à l'aventure à travers le pays sans le moindre encadrement. Le plus souvent démunis de presque tout et n'ayant aucun contact avec leur famille ils sont inquiets de leur sort immédiat et en proie au désarroi.

Il faut trouver, sans délai, une solution.

Le Maréchal Pétain et le général de la Porte du Theil

Dès le 3 Juillet 1940, le Ministre de la Défense confie au Général de la PORTE DU THEIL la responsabilité de prendre en charge ces hommes. C'est le point de départ des "Chantiers" mais c'est aussi l'amorce d'une expérience qui va être à l'origine d'une grande politique de la Jeunesse. Polytechnicien et ancien Commissaire des Scouts de France, le Général de la PORTE DU THEIL a l'idée de répartir les jeunes de ce contingent abandonné dans des camps à installer en pleine nature, hors des casernes et des villes. Cette idée est officialisée le 31 Juillet par un décret signé par le Maréchal décidant que les jeunes appelés seront versés pour une période de six mois dans des "Groupements de Jeunesse". A cette date, il ne s'agit encore que d'une mesure de circonstance qui va cependant être reprise bientôt dans le cadre d'une organisation plus vaste.

La première instruction précise que "l'organisation des Groupements de Jeunesse se propose de donner aux jeunes hommes de France, toutes classes confondues, un complément d'éducation morale et virile qui, des mieux doués fera des chefs et de tous des hommes sains, honnêtes, communiant dans la ferveur d'une même foi nationale".

Le Maréchal et son gouvernement sont conscients que pour assurer le redressement de la France, il faut, en premier lieu, s'appuyer sur la jeunesse ; que celle-ci a besoin d'une foi à laquelle elle se donnera avec toute la ferveur de son âge.

Les principes et les moyens d'éducation sont ainsi définis :

" La formation morale est à rechercher essentiellement dans le culte de l'honneur et dans la pratique de la vie en commun.

" La formation virile qui crée d'ailleurs une prédisposition heureuse au développement moral, se rattache à l'entraînement physique.

" la vie en contact de la nature doit favoriser cette double discipline.

Les directives officielles précisent que les "Chantiers" doivent, en fonction des lieux et des circonstances, apporter leurs concours pour une part de leur temps :

o aux travaux forestiers,

o à la fabrication du charbon de bois,

o à la remise en culture des terres,

o aux travaux agricoles pendant la période des grands travaux,

o aux travaux routiers,

o à la lutte contre les incendies de forêt.

Au fur et à mesure des mois l'organisation des Groupements de Jeunesse s'améliore et c'est la loi du 18 Janvier 1941 qui donne aux Chantiers de la Jeunesse Française leur statut définitif.

Désormais tous les Français âgés de vingt ans résidant en zone libre seront tenus d'effectuer un Service National de huit mois.

Le 29 Juin 1941 à Vichy le Maréchal PETAIN remet solennellement leur Drapeau National aux Chantiers de la Jeunesse au cours d'une cérémonie grandiose rassemblant une foule enthousiaste. Le Drapeau est déposé au Musée de l'Armée depuis 1970.

Ainsi de 1940 à 1944, malgré la défaite et l'occupation, quatre cent cinquante mille jeunes Français encadrés par vingt mille chefs reçurent grâce aux "Chantiers" une formation physique, civique et morale qui leur donna le goût de la vie en plein air, le respect de la nature, le sens du travail en équipe et l'amour de leur pays.

Le Maréchal Pétain quitte là clairière de Randan après avoir remis un fanion aux Compagnons de France.

Quand on analyse l'activité déployée aux Chantiers de Jeunesse durant ces quatre difficiles années on ne peut s'empêcher d'admirer combien le gouvernement du Maréchal sut, avec un demi siècle d'avance, concevoir et pratiquer une véritable politique d'écologie.

L'expérience des Chantiers fut menée également en Afrique du Nord. Six groupements y furent créés. Ils permirent, dès le débarquement allié en Novembre 1942, la mobilisation de cinquante mille jeunes. Après une très courte formation militaire, ceux-ci formèrent une partie importante du Corps expéditionnaire français qui combattit en Tunisie, en Italie, en France et en Allemagne.

Si l'on veut porter un jugement objectif sur la politique menée par le Maréchal il faut absolument tenter d'imaginer ce qui serait advenu à la population française si une importante partie de sa jeunesse -n'avait pu être rassemblée, formée et affectée à des travaux essentiels à la vie du pays.

Les Chantiers de Jeunesse constituèrent sans conteste une grande réussite. Ce fut même "la plus grande réussite sociale " du gouvernement de Vichy. Le succès en revient pour une très large part à la personnalité exceptionnelle du Général de la PORTE du THEIL. Mais il est également dû à la participation active des jeunes eux-mêmes et à la qualité de leurs chefs.

Mais si les Chantiers pèsent d'un grand poids dans la politique du Maréchal beaucoup d'autres initiatives furent prises par le Secrétariat Général de la Jeunesse dirigé par Georges LAMIRAND. De grands services civiques furent créés auxquels les jeunes répondirent avec enthousiasme. Dès le 28 Juillet 1940, c'est la création des "Compagnons de France", organisation regroupant, à titre privé, des garçons de seize à vingt ans de toutes origines sociales décidés "de participer au relèvement matériel et moral du pays en offrant leur concours aux Services d'Aides aux Réfugiés, aux prisonniers de guerre et généralement à toutes initiatives propres à associer les jeunes au service du pays". Ils comptèrent environ trente mille membres.

Le "Service Civique Rural" rassembla de son côté plus de cent mille jeunes âgés de dix sept à vingt et 'un an qui participèrent activement aux grands travaux des moissons et des vendanges remplaçant en partie les centaines de milliers d'agriculteurs prisonniers en Allemagne.

Les "Centre de jeunes travailleurs" reçurent des jeunes gens sans travail, désireux d'acquérir une formation professionnelle, physique et civique. Le "Secours National" reçut pour sa part le concours de milliers de jeunes pour l'aider dans ses oeuvres d'assistance et de charité.

La politique du Maréchal s'efforça également de maintenir et de développer en zone libre les divers mouvements de jeunesse.

Le scoutisme passa de quarante mille à cent vingt mille membres.

L'Association Catholique de la Jeunesse Française, les Auberges de la Jeunesse et les Camarades de la Route reçurent un appui efficace de l'État. A signaler également la création de l'Ecole des Cadres d'Uriage destinée à former la future élite de-la nation.

Il n'est pas exagéré d'affirmer que s'il y a un domaine dans lequel le mot "résistance" peut être valablement utilisé c'est bien celui concernant la politique du Maréchal en faveur de la jeunesse. Grâce aux mesures prises les jeunes ne désespérèrent pas de leur pays, se forgèrent une âme et se préparèrent, activement au relèvement de la France tout en étant protégés dans une large mesure des menaces de l'occupant.

Depuis quarante cinq ans aucun gouvernement n'a osé s'inspirer de la remarquable expérience des Chantiers parce que considéré comme "une réalisation de Vichy'!"

Le Centre d'Etudes et de Recherches de l'Institut Général de la Porte du Theil animé par des anciens des Chantiers a réalisé en 1982 une remarquable étude sur le Service National préconisant sa répartition en service national civil et service national militaire. Ne serait-il pas opportun et judicieux .pour la formation politique qui défend par dessus tout la cause nationale de s'en inspirer pour préparer et proposer au pays qui en ressent le besoin une réforme vraiment constructive.

Que l'on accepte de remettre en honneur le principe qui constitua la règle des Chantiers "'Substituer le sens de l'effort au culte du confort et la conscience des devoirs à la revendication des droits" et il n'est pas douteux que la jeunesse de France pourrait alors trouver un nouveau souffle.

LES MOUVEMENTS DE JEUNESSE

 

 

 

" Lorsque je vois passer un groupement vert et gris des Chantiers de Jeunesse ou une file bleue sombre des Compagnons ou quand j'écoute dans un centre familial une chorale de petits apprentis exécutant avec aisance un chant à plusieurs voix, écrit Daniel Rops, je me demande si cela n'est pas plus important que tout le reste, et s'ils n'ont pas raison ceux qui disent, avec une insistance parfois un peu lassante, que là sont les fondations de la France de demain " .

A partir de l'été 1940, les mouvements de jeunesse ont pris une place importante dans la vie nationale. Pour le général Lafont, chef des Scouts de France, ils sont " les auxiliaires indispensables de la famille et de l'école ; les jeunes y font l'apprentissage de la discipline, de l'obéissance et de l'autorité qui se dévoue ".

De un septième en 1940, la population des jeunes " encadrés " passe à un tiers en 1942, ce qui représente pour la zone Sud environ trois millions de jeunes de 14 à 20 ans.

Grâce au maréchal Pétain et aux services de la jeunesse de Vichy, a été respectée la pluralité des mouvements de jeunesse et ont échoué les efforts d'embrigadement de la jeunesse. Ces efforts étaient tentés principalement en zone occupée sous l'égide des politiciens et des journalistes qui poussaient à l'adoption du modèle que représentait la jeunesse hitlérienne.

Jusqu'au bout, le Maréchal parvint à faire appliquer son principe: " Une jeunesse unie, mais pas de jeunesse unique ".

Nous évoquerons successivement

- Le scoutisme,
- Les mouvements d'action catholique et de la jeunesse protestante,
- " Jeune France ",
- Les auberges de jeunesse et maisons de la jeunesse,
- Les Compagnons de France,
- Les Equipes nationales.

LE SCOUTISME

En septembre 1940, sont fédérées au sein du " Scoutisme français ", présidé par le général Lafont, les cinq associations existant en 1939 : " Eclaireurs de France ", non confessionnels, " Eclaireurs Unionistes " d'inspiration protestante, " Scouts de France ", catholiques et " Eclaireurs israélites ".

L'effectif des scouts s'accroît de 1940 à 1944 de 42.000 à 160.000.

Le scoutisme est une organisation fortement hiérarchisée avec son système de troupes et de patrouilles, ainsi que l'engagement constitué par la promesse.

La méthode d'éducation scoute comporte " le retour à la nature " avec le camping qui endurcit les muscles, et le " grand jeu ", qui décharge l'agressivité naturelle des adolescents, avec également l'attention portée au folklore provincial qui ancre les jeunes dans le pays de leurs ancêtres, avec " le feu de camp ", qui soude les équipes lors de la veillée, " ce palabre franc et libre ", où l'on apprend à se connaître, à s'estimer,

ainsi que des jeux d'éducation sensorielle et manuelle qui permettent de rompre avec le caractère intellectualiste de l'éducation traditionnelle.

L'idéologie scoute, à base de patriotisme, de foi religieuse, de respect de la famille, de corporatisme et d'élitisme correspondait parfaitement aux valeurs préconisées par le Maréchal.

Dès l'été de 1940, le mouvement scout devient une véritable pépinière de chefs pour les mouvements de jeunesse, les Compagnons de France, les Chantiers de la Jeunesse, ainsi que pour certains bureaux du Secrétariat général à la Jeunesse.

En zone Nord, si le scoutisme est interdit en raison de son style jugé par trop militaire, il n'en disparaît pas pour autant, mais il se terre. La consigne est pour chaque scout de confectionner chez lui une hampe et un drapeau, et d'accomplir quotidiennement le geste rituel du salut aux Couleurs.

Lorsque le scoutisme parvient à poursuivre l'encadrement des jeunes chômeurs notamment, c'est sous l'égide d'un organisme nouveau, le " Comité Sully ", animateur du service civique rural, qu'il le fait.

L'adhésion du scoutisme à la Révolution nationale n'a rien de surprenant, l'un et l'autre se situant sur la même longueur d'onde idéologique.

André Basdevant, secrétaire général du Scoutisme français, indique que " les scouts n'ont pas hésité à s'associer avec le Secrétariat général à la Jeunesse parce que " le Secteur Jeunesse " est à Vichy " le plus sain de tous ".

A cela s'ajoutait la nécessité de sauvegarder les mouvements éducatifs de l'ingérence allemande en faisant obstacle à la reconnaissance par l'Etat des mouvements de jeunesse politiques sans parler de la possibilité donnée aux Scouts de s'opposer à l'exclusion des Juifs des mouvements de jeunesse, ce qu'ils obtiennent provisoirement et de faire reconnaître l'incompatibilité de l'adhésion à la fois au scoutisme et à la milice.

Mais à partir de 1942, l'idylle entre le scoutisme et le gouvernement se trouve sérieusement compromise: pétainiste, le mouvement n'est ni raciste, ni collaborationniste.

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LES MOUVEMENTS D'ACTION CATHOLIQUE
ET DE LA JEUNESSE PROTESTANTE

Fondée en 1886 par Albert de Mun, l'Association catholique de la Jeunesse française (A.C.J.F.) avait décidé, afin de procéder à " l'apostolat du semblable par le semblable ", de former cinq fédérations professionnelles spécialisées : les Jeunesses Ouvrières (J.O.C.) - Agricole (J.A.C.) - Etudiante (J.E.C.) Maritime (J.M.C.) et Indépendante (J.I.C.), chacune de ces fédérations ayant tôt fait de créer des branches féminines, toutes appliquant la même méthode éducative: " Voir, juger, agir (découvrir le milieu, juger à la lumière de l'idéal chrétien, s'engager).

Dès avant la guerre, l'A.C.J.F. avait dénoncé ouvertement le nazisme. Repliée à Lyon après l'armistice, car interdite en zone Nord, elle continue à le faire en publiant les " Cahiers de notre jeunesse ".

La J.O.C. groupe au sein de ses fédérations des jeunes travailleurs de 14 à 25 ans auxquels elle offre divers services: services de placement pour les jeunes chômeurs, de loisirs, de l'éducation... Son action sociale se manifeste à l'égard des réfugiés, des victimes des bombardements et de jeunes prisonniers.

Se préoccupant du chômage des jeunes, elle crée l'association " Maisons Nouvelles " qui met en place des centres de formation professionnelle, organisant ainsi un enseignement technique primaire.

Chaque année, la J.O.C. met en oeuvre de grandes campagnes éducatives qui mobilisent plus de 50.000 militants et ont un impact important sur l'opinion publique. Un exemple en est la campagne pour la sécurité au travail. En 1941, la J.O.C. comprenait 150.000 adhérents groupés en 22.000 sections et encadrés par 40.000 militants.

A cette époque, la J.A.C. regroupait 35.000 militants répartis dans 3.000 sections et 18 fédérations. Elle collaborait avec le groupement national des jeunes paysans de la Corporation paysanne et le Centre national de la Famille Rurale pour l'encadrement et la formation de la jeunesse rurale aux points de vue moral, social, professionnel et civique.

Cette tâche remarquable de formation de jeunes ruraux, poursuivie après la Libération, permit à la France rurale de disposer, durant cinquante ans, à la fois sur le terrain (dans les exploitations et les groupements agricoles et coopératifs), dans les chambres d'Agriculture et les organisations professionnelles agricoles, à tous les échelons, des responsables et des techniciens de valeur.

Dès avant la guerre, la J.E.C. avait proclamé qu'il fallait " refaire la France " et " lui rendre son âme ". L'objectif de la J.E.C. est d'apporter au milieu scolaire et étudiant un assainissement moral, " un épanouissement physique, un enrichissement culturel en diffusant dans les écoles et les universités le nom du Christ, sa loi, sa charité ".

La J.E.C. entend orienter la révolution nationale dans un sens chrétien et empêcher les nazis, " ces mauvais bergers ", de s'emparer de la jeunesse française: il s'agit ainsi de libérer la personne humaine de tout esclavage. La J.E.C., qui était hostile au S.T.O. (Service du Travail Obligatoire), regroupait 20.000 militants.

Les cinq mouvements de jeunesse protestante sont groupés au sein du Conseil Protestant de la Jeunesse (C.P.J.), dont le président est le pasteur Marc Boegner, et qui devait rassembler 25.000 adhérents.

Le C.P.J. inculque à ses membres le respect de l'Etat et de son chef et le désir de travailler de toutes leurs forces à la libération et au redressement du pays. Mais, en aucun cas, l'obéissance à un seigneur humain ne peut être préférée à l'obéissance au seul Seigneur du ciel et de la terre. Ceci implique concrètement le rejet formel de toutes les idéologies totalitaires fondamentalement étrangères d'ailleurs à la tradition française.

La majorité de ces mouvements, comme leur président, souhaitent une politique de présence au sein des institutions nouvelles de l'Etat français. Mais, après la création du S.T.O., nombre d'adhérents devaient suivre les conseils de leurs pasteurs et rejoindre le maquis.

Parmi les actions d'entraide sociale conduites par les mouvements du C.P.J., il convient de signaler l'importante aide aux personnes déplacées réalisée par le " Comité Intermouvement ", la CIMADE.

 

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" JEUNE FRANCE "

Ce n'est pas, à proprement parler, un mouvement de jeunesse, mais un organisme intervenant en direction des jeunes dans les domaines culturel et artistique.

Les jeunes sur lesquels compte le Maréchal pour refaire la France ne doivent pas seulement avoir " un esprit sain dans un corps sain ", mais également se mouvoir à l'aise dans le domaine artistique. Il est bon aussi de pouvoir les initier aux techniques d'art populaire mises au point par les hommes d'autrefois et ayant donné naissance à une culture qui a fait la richesse des régions.

L'association " Jeune France " naquit, le 20 novembre 1940, à l'initiative d'un jeune polytechnicien de 22 ans, Pierre Schaeffer, animateur de Radio-France. Le but de cette association, dont Emmanuel Mounier fait un peu figure de père spirituel, est de " jeter un pont entre les éléments artistiques et le goût populaire ". Elle rassemblait des artistes et écrivains qui devaient se faire un nom après la guerre, notamment avec Jean Vilar, Fernand Ledoux, Raymond Rouleau, Pierre Fresnay et Pierre Renoir, dans sa section " théâtre ".

Elle se proposait de doter chaque région d'un centre culturel, organisant des tournées théâtrales et musicales, mettant en place bibliothèques tournantes, musées ambulants et multipliant expositions et conférences. Elle assurait la partie " Spectacle " des grands rassemblements de jeunes.

Enfin, elle donna une formation technique aux jeunes artistes orientés vers l'art populaire, aux meneurs de jeux, moniteurs et animateurs.

L'association fut malheureusement dissoute en mars 1942.

Le Secrétariat général à la Jeunesse apporta aussi son aide aux " Jeunesses Musicales de France " et aux centres musicaux ruraux créés par le violoncelliste Jacques Serre dans certaines communes du Sud-Est de la France.

 

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AUBERGES DE JEUNESSE ET
MAISONS DE LA JEUNESSE

Avant la guerre, le Secrétaire d'Etat Léo Lagrange avait souhaité que les " Auberges de jeunesse " rapprochent les jeunes ouvriers des jeunes intellectuels et des jeunes paysans.

Garçons et filles de 18 à 30 ans, citadins pour la plupart, étudiants, ouvriers, instituteurs ou employés, trouvent dans les auberges le moyen d'échapper à l'atmosphère étouffante des villes. Aussi, conseillé par le fondateur -en 1930- de la ligne française des auberges de la Jeunesse, Marc Sangnier, le Secrétariat général à la Jeunesse estima que les auberges de jeunesse sont en mesure, au même titre que les mouvements de jeunesse, de participer à la création d'une jeunesse virile et gaie, apte aux diverses tâches de demain.

115 auberges nouvelles sont créées entre 1940 et 1942, mais les difficultés de circulation entravent leur fréquentation et le mouvement devait être dissout le 15 août 1943.

Par ailleurs, Louis Garonne, directeur de la formation des jeunes au Secrétariat général à la Jeunesse, imagina de quadriller le territoire de " maisons de la jeunesse " comportant des moyens de distraction et d'éducation ; il s'agissait de développer chez les jeunes le goût des activités artisanales et agricoles et avec une initiation à l'art dramatique et au chant choral, pour ressusciter des traditions locales, en inculquant le sens des vertus nationales.

On dénombra 41 maisons de la jeunesse en 1941 et 189 en septembre 1943. Ces " maisons " ont, après la Libération, donné naissance aux " Maisons des Jeunes et de la Culture " mises en place dans bien des agglomérations.

 

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LES COMPAGNONS DE FRANCE

A Randan (Puy-de-Dôme), dès le 4 août 1940, furent créés les Compagnons de France. Cette association avait pour but le rassemblement de jeunes Français désireux de participer au relèvement matériel et moral du pays, en offrant leur concours aux services d'aide aux réfugiés et aux prisonniers ou en prenant toute initiative pour associer les jeunes au service de ce pays.

A cet effet, l'association organisa la formation dans les centres, camps et colonies de vacances.

Sont d'abord rassemblés des garçons de 16 à 20 ans encadrés par des cadres militaires démobilisés, des éducateurs, des dirigeants de jeunesse repliés en " zone non occupée ".

Dès le 11 juillet 1940, le maréchal Pétain avait déclaré: " Nous le savons, la jeunesse moderne a besoin de vivre avec la jeunesse dans une fraternité qui la prépare au combat de la vie ".

C'est d'abord à l'encadrement et à la mise au travail des jeunes réfugiés disséminés en zone Sud que s'adresse le mouvement Compagnons ; en moins d'un trimestre sont groupés dans le cadre de " Compagnons de chantiers " plus de 16.000 réfugiés et ouverts 230 chantiers.

La vie de chantier est rude: réveil à 6 H 3 0, extinction des feux à 22 H 00 ; entre les deux: six heures de travail, salut aux Couleurs main et soir, hébertisme et bains de cerveau le matin et à la veillée consistant en discussion sur un mot d'ordre, en causeries et exposés sur des sujets d'intérêt général.

Les compagnies sont autonomes et prennent entièrement en charge des jeunes de plus de 18 ans qu'elles font travailler sur des chantiers ouverts par elles. Les jeunes sont hébergés dans des baraquements ou sous la tente, nourris, habillés et touchent un petit pécule.

Les Compagnons de chantiers se livrent à des travaux de terrassement, d'adduction d'eau, de forestage et d'agriculture. Ils construisent des routes, creusent des canaux, créent des stades pour la pratique de l'éducation physique et du sport. Parallèlement au travail, on s'efforce de donner aux Compagnons une préformation professionnelle.

Ils oeuvrent aussi dans le cadre de l'entraide en participant aux campagnes du Secours National et en contribuant, par exemple, à la réinstallation des réfugiés lorrains.

Les compagnies de Chantiers étant appelés à disparaître lorsque sera résorbé le chômage des jeunes, le mouvement développe les " Cités Compagnons ".

Sous l'impulsion du Maréchal, était redonnée de l'importance à la vie sociale et aux traditions du terroir. Aussi les " Cités Compagnons " regroupèrent, dans leurs lieux de vie, des ouvriers, des paysans, de jeunes cadres, des étudiants, appartenant à une même communauté naturelle: quartier de ville, village, entreprise professionnelle, centre universitaire.

Aux Compagnons est donnée une formation civique, morale, physique avec la pratique de l'hébertisme et des sports. Leurs chefs leur font prendre conscience de l'importance de se préparer à exercer un véritable métier, à fonder une famille, à se rendre apte à participer à la vie de la cité: beaucoup de ces Compagnons deviendront plus tard maires ou au moins conseillers municipaux.

Pour certains est organisée une orientation professionnelle, une initiation à un métier ou une préformation.

Le créateur du mouvement, un jeune inspecteur des finances, Henry Dhavernos, ayant dû s'éloigner au début de 1941, le Maréchal nomma à la tête du mouvement un officier, brillant combattant au Maroc et durant la campagne de 1940, qui avait su rétablir la confiance des étudiants de Paris après leur manifestation du 11 novembre, Guillaume de Tournemire, en déclarant aux Compagnons " qu'ils étaient toujours à l'avant-garde de la Révolution nationale ".

Sous son impulsion, le mouvement s'étendit dans toute la zone libre. Avec ses chefs de provinces, ses chefs de pays, ses chefs de bailliages, le mouvement a une conception décentralisatrice, mais avant tout, il pense, comme Saint-Exupéry à la même époque, que ce qu'il faut d'abord c'est faire ETRE les jeunes de telle sorte qu'au moment venu, ils soient prêts à agir où il faut et comme il faut pour la libération du pays.

Au sein du mouvement est exaltée l'action des héros et des saints de France. Le chef de Tournemire avait proclamé: " ... La France c'est pour chaque Français ce métier à aimer, ce voisin à comprendre et à aider, ce quartier ou ce village à faire renaître Notre âme est la Révolution nationale. Elle a un chef, le Maréchal, et une ébauche de charte, ses messages aux Français... Rien de plus dur sur l'égoïsme patronal et ses conséquences sociales n'a jamais été dit en France que ce qu'a déclaré le Maréchal à Saint-Etienne et Commentry - rien d'aussi net, d'aussi clair, sur la condition prolétarienne ". Un théoricien du mouvement, Maignial, écrit: " La réintégration du prolétariat dans la nation doit être le premier article du programme et la première réalisation de la Révolution. Celle-ci requiert des hommes neufs - pour faire une révolution il faut des militants, mais aussi des penseurs, des poètes, des soldats ".

Aussi, dans la formation des cadres, en s'appuyant sur les études d' " Economie et Humanisme " créé par le père Joseph Lebret en vue de proposer une économie au service de l'homme et sur des ouvrages de philosophes et d'économistes, tels que Emmanuel Mounier, Gustave Thibon, François Perroux, Yves Urvoy, et il faut souligner le souci d'animation culturelle qu'avait le mouvement (avec la création de l' " Illustre Théâtre " et des " Compagnons de la Chanson ").

Par ailleurs, le l' août 1942, eut lieu le premier camp national des Compagnes de France - sous la direction de Marie-France Retel, elles avaient pour objectif une action sociale et ses adjuvants: aide aux mères de famille, garde des enfants, soutien des personnes âgées.

Tout en faisant fonctionner dans la clandestinité un réseau de renseignements " Les Druides " au profit de l'Intelligence Service, le chef de Tournemire contrôla l'action du Mouvement Compagnons au bénéfice des jeunes " pour les préparer physiquement et moralement à être de meilleurs citoyens ". Ainsi qu'il devait le déclarer " étant à l'avant-garde, nous étions particulièrement exposés ". En effet, ayant saisi l'importance pour le redressement de la France du " combat Compagnons ", les Allemands exigèrent la dissolution du mouvement le 21 janvier 1944.

Les forces de la France

 

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LES ÉQUIPES NATIONALES

C'est au printemps 1942 que furent instituées les " Equipes Nationales ". Cet organisme visait à l'encadrement de jeunes non encadrés jusque-là, par le volontariat et le bénévolat. Ils avaient de 15 à 20 ans en principe (scolarisés, étudiants, apprentis, ouvriers, employés, paysans) et des deux sexes.

La tâche essentielle de l'équipier national et de ses chefs était " l'action civique et sociale ", ce qui voulait dire l'aide aux populations dans la nécessité d'en recevoir, privées principalement du chef de famille ou des aînés, prisonniers de guerre, requis du S.T.O., ou déportés en Allemagne.

D'où le service civique rural (organisé depuis 1942) pendant les moissons et les vendanges - d'où le monitorat colonies de vacances estivales ; d'où le concours aux jardins ouvriers (institués par la Troisième République). Enfin de grandes collectes dans les villes, voire les villages, au profit du Secours National, de la Croix-Rouge, des prisonniers de guerre et de leurs familles.

Parallèlement les équipes féminines, rivalisant d'activités, se consacraient plus particulièrement à l'aide sociale et sanitaire, aux mères de famille, aux vieillards, aux enfants, aux infirmes sous toutes les formes les plus utiles et les plus urgentes.

Mais, la grande tâche d'action civique et sociale, ce fut la participation à la défense passive, qui sera évoquée plus longuement ci-après.

La tâche des Equipes Nationales, à leur fondation, fut rude à entreprendre. En zone occupée, l'urgence de leur organisation et de leur action se faisait désirer davantage qu'en zone libre. L'occupant y avait interdit (mis à part sous l'égide de rares partis politiques indépendants du gouvernement) tous les mouvements de jeunesse, et parmi eux, le scoutisme. Aussi les jeunes non encadrés étaient en zone occupée et, de loin, majoritaires.

La grande question pour les cadres provinciaux des Equipes Nationales était de rechercher des jeunes, bénévoles et volontaires, et d'organiser des structures d'accueil centrées sur le civisme et l'action sociale.

Mais des jeunes ayant la passion de servir surent entraîner des camarades avec eux au lycée, ou au collège, à la faculté, à l'atelier, au bureau, au centre d'apprentissage, à la campagne.

Pouvoirs publics, responsables sociaux et religieux, et surtout représentants à tous les degrés de l'Education Nationale (et d'établissements privés) apportèrent leur concours précieux. Ainsi les inspecteurs d'arrondissement de l'enseignement primaire en particulier apportèrent leur coopération à ces actions civiques et sociales. Celles-ci se déroulaient après les heures de travail intellectuel ou manuel dans le volontariat.

Dans leurs cercles d'études, les Equipes Nationales n'enseignaient, en conformité avec les directives du Maréchal, que les valeurs traditionnelles de notre pays:

- le patriotisme,
- le respect de la famille et du travail,
- le sens et l'amour de l'effort,
- le goût de l'entraide et de la générosité,
- la joie du travail en équipe et dans la discipline acceptée.


Venons-en maintenant aux années 1943-1944, années terribles pour les populations civiles françaises (dont beaucoup avaient déjà connu la tragédie de l'exode de l'été 1940) et qui furent à Paris et dans sa banlieue nord-ouest et est, sur le littoral de la Manche, de la mer du Nord et de l'Atlantique dans les grandes villes (mais aussi dans de petits bourgs) soumises à de fréquents et très meurtriers bombardements aériens par les forces alliées.

Les victimes furent bien souvent, en majorité, des femmes de tous âges et des enfants, beaucoup d'enfants tués dans leurs écoles, beaucoup de vieillards et d'infirmes tués dans les hospices et les hôpitaux. On chiffre généralement à 60.000 morts environ le nombre de ceux qui furent ainsi tués, dont 30.000 en quelques jours en Normandie, lors du débarquement du 6 juin 1944 et, bien sûr, il y eut un plus grand nombre de blessés.

Chacun de ces bombardements provoquait dans les Equipes Nationales une véritable mobilisation. Les jeunes volontaires affluaient aux lieux de rendez-vous prévus, d'où organisés, groupés en équipes, munis d'une tâche à exécuter, ils partaient courageusement, souvent entre deux vagues de bombardements, sans attendre parfois la fin de la précédente, dans les caves inondées lorsqu'ils pouvaient les atteindre, transportaient les victimes dans les ambulances, tandis que les morts étaient acheminés vers la morgue. Là, les équipiers et équipières ensevelissaient les morts, tentaient d'identifier ceux qui étaient trop mutilés et recevaient les familles. Fouillant les décombres, ils ne craignaient pas les dangers des bombes à retardement qui explosaient pour tuer encore! Ils et elles avaient 16, 17, 18 ans !

Parallèlement, d'autres équipiers et équipières aidaient les organisations de secours aux sinistrés en effectuant les recherches des parents ou des enfants pour les regrouper, le déménagement de ce qui restait à sauver pour le préserver du pillage, la distribution de vivres et la conduite dans les centres d'hébergement improvisés.

Les équipières, debout et parfois 24 heures sur 24, servaient, après les avoir souvent cuisinés, repas et collations aux sinistrés et sauveteurs exténués (comme elles).

Les Equipes Nationales avaient aussi le souci de l'entraide " intervilles ". Le S.I.P.E.G. (Service Interministériel de Protection contre les événements de guerre), organisation gouvernementale d'intervention rapide et efficace, mettait beaucoup à contribution les Equipes Nationales dont l'expérience lui avait démontré l'efficacité.

Combien d'équipiers et d'équipières ont-ils trouvé la mort au champ d'honneur ? Aucune histoire ne l'a encore écrit.

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