Monsieur le Ministre,
J'ai lu attentivement le texte intégral de votre intervention télévisée, le 9 décembre 2002 à France 2, dont le thème était Cent Minutes pour convaincre.
À l'occasion des lances que vous avez brisées avec vos interlocuteurs, et alors qu'aucun d'entre eux n'avait évoqué le gouvernement dit "de Vichy" - sujet bateau, hors de propos, mais riche, pour les lobbies, de perspectives électoralistes et mercantiles - vous avez estimé devoir le faire à partir du vocable "rafle".
Je vous laisse la parole
... J'ai été très choqué, et pour tout dire blessé quand un certain nombre de ces personnes, à propos de mesures décidées par la justice, qui consistaient à arrêter des étrangers en situation irrégulière, à la suite d'une décision judiciaire d'expulsion, certains se sont laissés aller à dire qu'il s'agissait d'une rafle. Est-ce que vous vous rendez compte de la monstruosité du propos ? C'est une insulte à l'endroit de tous ceux de nos compatriotes qui ont eu à connaître ces éléments et cette époque, la rafle, c'est quand une partie de la police française, aux ordres d'un gouvernement félon, ramassait des gens pour cause d'appartenance ethnique ou religieuse pour les emmener dans des chambres à gaz... »
L'interdiction du port de l'étoile jaune fut la manifestation éclatante de la volonté de l'Etat français et de son chef de s'opposer à toute persécution physique des juifs.
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"Tant que je serai vivant, je n'accepterai jamais que cette ignominie qu'est l'étoile jaune soit appliquée en zone sud", avait déclaré le Maréchal au Grand rabbin Isaïe Schwartz.
Sur cette photographie (ci-dessus) de la classe de 1re A du lycée de Vichy, prise durant l'année scolaire 1943-1944, rien ne distingue les élèves juifs des non-juifs.
Personne ne savait
L’histoire des gouvernements de la France, de 1940 à 1944, ne peut être résumée par le mythique vocable "Vichy" qui se rapporte à une ville d'eau, ni par le qualificatif "félon" que vous employez dans l'élan de votre discours. Vous exprimez là une opinion personnelle et originale qu'autorise la liberté d'expression dont je profite moi-même en écrivant cette lettre ouverte, non pas pour discuter un jugement d'essence idéologique, mais pour contester votre accusation selon laquelle des policiers français avaient commis le crime d'arrêter des juifs "pour lac emmener dans des chambres à gaz". Ce qui est une odieuse calomnie qui, je l'espère, vu son énormité, ne peut qu'être imputable à votre ignorance.
Souvenez-vous !Si j'en crois une généalogie qui vous honore, l'histoire de la Hongrie ne peut avoir de secrets pour vous. Vous connaissez donc l'aveu d'Elie Wiesel qui, dans son ouvrage The holocaust in Hungary, 40 years later, écrit :
« Le 19 mars 1944, l'Allemagne occupe la Hongrie. Je me souviens, c'était le printemps [ ... ] Alors que nous étions en train d'étudier, quelqu'un vint et dit que les Allemands venaient d'arriver. Nous sortîmes et vîmes les tanks. Les premiers Allemands étaient polis et nous pensâmes : "Bien, ceci aussi passera".
Car le jeune Élie Wiesel, âgé de seize ans, vivait encore, au printemps 1944, avec ses parents et camarades, dans une paix heureuse qu'il évoque dans son ouvrage La Nuit : « Les arbres étaient en fleurs. C'était une année comme tant d'autres, avec son printemps, avec ses fiançailles, ses mariages et ses naissances. »
En fait, deux mois plus tard, toute la famille Wiesel se retrouve à Birkenau où ses compatriotes juifs qui l'avaient précédée s'étonnent qu'elle n'ait pas su le sort'qui l'attendait Elle Wiesel reconnaît dans La Nuit : « Oui, nous l'ignorions. Personne ne nous l'avait dit » ... Au printemps 1944 !!!
De multiples témoignages
Alors, Monsieur le Ministre, comment peut-on accuser de complicité avec les démiurges de la Shoah des policiers français ? Ce qui suppose que deux ans plus tôt, en juillet 1942, ceux-ci savaient la solution finale. Comment affirmer que des policiers qui arrêtent et des cheminots qui transportent, secondent, selon le mot concocté par Jacques Chirac, « la folle criminelle de l'occupant » ? que l'État français "seconde" la solution finale perpétrée par les nazis ? Car "seconder' une entreprise suppose que l'on est informé de son objet, de son dessein. Or, s'il est certain que des policiers, des cheminots et des responsables de l'État français furent contraints, sous la menace allemande, de participer à la déportation des juifs qui, selon Oberg, partaient en Pologne où l'on créerait un "État juif', il est non moins avéré que les uns et les autres ignoraient que le dessein allemand se résumait en un acte de barbarie que l'histoire a rarement égalé.
Cette ignorance est attestée par de nombreux témoignages. Raymond Aron qui, à Londres, se trouvait à un point focal de l'information mondiale, écrit dans ses Mémoires: « ... les Chambres à gaz, l'assassinat industriel d'êtres humains, non, je l'avoue, je ne les ai pas imaginés et, parce que je ne pouvais les imaginer, je ne les ai pas sus. »
André Frossard n'est pas moins clair dans son ouvrage Excusez-moi d'être Français, quand il écrit : « J'ai vécu, mieux vaudrait dire survécu longtemps dans la "Baraque aux juifs" du Fort Montluc, à Lyon, où j'ai eu des centaines et des centaines de compagnons souvent livrés à la police allemande par la milice. Pas un seul d'entre eux n'avait la moindre idée du sort qui l'attendait en Allemagne et pourtant il y avait là, je vous le garantis, des esprits curieux. Ils s'imaginaient qu'ils seraient envoyés dans un camp de travail et qu'ils y seraient sans doute malheureux, male moins qu'en prison, et qu'en tout cas lis échapperaient aux rafles d'otages qui dépeuplaient Inopinément la baraque, le jour ou la nuit. Je n'en ai jamais entendu aucun mettre cette Illusion en doute, et quand on les alignait dans la cour pour les embarquer, lis avaient un dernier regard presque compatissant pour ceux qui ne partaient pas et restaient exposée aux représailles. Moi-même, lorsque l'ai appris, le 12 août 1944, que je serais déporté le 16, J'ai accueilli la nouvelle avec une sorte de soulagement. Ni en prison ni en dehors, le n'ai entendu parler de la solution finale avant le retour des rescapés et le dévoilement de l'horreur. »
Léon Poliakov, qui vécut ces temps de détresse en zone occupée puis en zone libre, écrit dans L'envers du destin : « Ma conviction d'historien est qu'à cette époque, en été 1942, Il [Laval 1 ignorait, comme tout le monde en France, l'existence des chambres à gaz. On pensait que ce serait une vie dure, pénible, mais on ne pensait pas à des meurtres d'enfants. » Et lors d'une "radioscopie" à RadioCourtoisie, le 11 décembre 1989, interrogé par Jacques Chancel qui s'étonne et demande si le Maréchal était, lui, antisémite, Poliakov répond : « Pas plus ».
On sait que Pierre Laval avait lui-même demandé - et il en avait rendu compte en conseil des ministres, le 16 juillet 1942 - que « dans une intention d'humanité, les enfants y compris ceux de moins de 16 ans, soient autorisés à accompagner leurs parents ». Ce qui lui vaudra, ainsi qu'au Maréchal, la perfide accusation de l'histoire médiatisée qui, sous une forme directe ou allusive, verra dans ce geste une manifestation de complicité avec les bourreaux nazis. Commentant cette question, René Rémond, dans la préface de l'ouvrage d'Asher Cohen, Persécutions et Sauvetages, suggère que la proposition de Pierre Laval a été inspirée « par une pensée d'humanité, le souci de ne pas séparer les familles, dans l'ignorance où le président du Conseil était de la destination finale : l'idée ne lui serait pas venue qu'il envoyait ces malheureux à la mort ».
Pas d'étoile jaune en zone Sud
On pourrait multiplier ces témoignages. Et l'on peut aussi les conforter par le refus opposé par le Maréchal au port de l'étoile jaune : « Tant que le serai vîvant, je n'accepterai jamais que cette ignominie qu'est l'étoile jaune soit appliquée en zone Sud », avait-il déclaré au Grand rabbin Isaïe Schwartz. Or l'obligation du port de l'étoile jaune fut bien le premier acte d'une tragédie dont la fin fut l'innommable ; son interdiction fut, au contraire, la manifestation éclatante de la volonté de l'État français et de son chef, Philippe Pétain, de s'opposer à toute persécution physique des juifs.
C'est ainsi que le gouvernement français S'était fermement opposé aux intentions allemandes d'extraire les juifs des camps de prisonniers de guerre français. Le Grand rabbin Julien Weill en témoignait, lors du procès de Georges Scapini, ambassadeur des prisonniers, et déclarait que, grâce à la Mission que dirigeait ce dernier, « nous avions pu éviter le pire en ce qui concerne ceux d'entre nous qui se trouvèrent en captivité ».
Et comment oublier les chiffres parlants que nous avons cités cent fois dans nos propres écrits, mais que la dictature des médias, pseudo-historiens compris, se garde bien d'évoquer. Ces chiffres sont les suivants : 73.000 des 730.000 juifs, dont 330.000 en Métropole et 400.000 en Afrique du Nord, furent victimes de la "solution finale". C'est-à-dire que 90 % des juifs vivant dans la mouvance française ont survécu au génocide alors que, d'après l'historien Raul Hilberg, plus de 90 % de leurs coreligionnaires européens disparaissaient.
Sous la botte allemande
Ces données incontestables vous surprendront, Monsieur le Ministre. Afin de vous mieux informer, une photographie est ci-jointe, qui est une première dans la documentation historique des années 40-44. Prise au cours de l'année scolaire 1943-1944, elle représente les élèves de la classe de 1 ê- A du lycée de Vichy, parmi lesquels figurent, sans étoile jaune et en compagnie, notamment, des enfants de l'amiral Bléhaut - qui fut, jusqu'à Sigmaringen, le fidèle collaborateur du Maréchal - les adolescentes Lévy et Wormser ainsi que le jeune Dreyfus. C'est-à-dire au moins trois juifs sur vingt-neuf élèves, soit 10 % alors que le pourcentage des juifs vivant en France était, à l'époque inférieur à 1 %.
Certes, la rafle du Vel-d'Hiv' peut être opposée à ces chiffres. Mais l'on sait que ses exécutants et leur hiérarchie ignoraient le sort tragique réservé aux déportés, et qu'ils avaient agi sous une impitoyable contrainte. Einstein, dans son ouvrage Comment je vois le monde, écrit : « Tu ne peux pas être rendu responsable d'actes qui sont accomplis sous une contrainte irrésistible ».
Vous, Monsieur le Ministre, êtes, aujourd'hui, confronté à des problèmes tels que la Corse, le flot des sans-papiers, le tiersmonde à nos portes, l'insécurité dans les banlieues et ailleurs, la criminalité sous toutes ses formes, les autodafés d'automobiles, etc., problèmes que vous tentez de les résoudre dans un cadre de liberté.
Les obstacles que vous rencontrez dans l'exécution de cette tâche devraient donc vous permettre d'apprécier, à leur juste mesure, les situations infiniment plus graves auxquelles le gouvemement 'félon" eut à faire face, sous la botte allemande.
Mensonge et crédulité
« Le mensonge et la crédulité s'accouplent et engendrent l'opinion », écrit Paul Valéry. Les excès et les erreurs du langage politique ont, sur la masse moutonnière, le même effet que la propagande des lobbies et des mérites qui enseignent que le port de l'étoile jaune fut imposé par le gouvernement français, donc par le Maréchal. Cette infâme accusation a contribué, au même titre que les calomnies contestant la gloire et le sacrifice de l'illustre soldat, à provoquer deux dévoyés de 18 et 15 ans pris en flagrant délit et dont l'aîné, fils d'un juif, pensait s'ériger en justicier en déféquant, de concert avec son compagnon, sur la tombe du Maréchal, à 1'lle d'Yeu, et en la couvrant de graffitis ignobles : « Putain de la patrie, tu nous as trahis... Complice du génocide... Duègne d'Hitler, ta place n'est pas Ici ». Sans oublier de placer un rouleau de papier hygiénique sur la croix érigée à la tête de la pierre tombale...
On imagine les réactions légitimes et le tintamarre médiatique qui accompagneraient l'arrestation de profanateurs d'une tombe juive. S'agissant de l'abjecte violation de la sépulture de l'île d'Yeu, ce fut le plus profond silence... notamment de la part de ceux des médias et des lobbies dont les calomnies avaient armé les bras des profannateurs.
Je souhaite, Monsieur le Ministre, que vos activités vous laissent l temps de parcourir ces quelques lignes d'histoire à l'endroit. Je les ai écrites avec le fol espoir de vous convaincre en moins de cent minutes, que l'éloquence ne peut se substituer à la connaissance.
Avec ce voeu, je vous prie d'agréer l'assurance de ma haute considération.
Général (c.r.)
Jacques le GROIGNEC